En ce début de 21ème siècle, l’impact de l’activité humaine est affligeant. Exploitation, rationalisation, domestication, déforestation, industrialisation, manipulation, pollution… destruction… illusion de l’évolution. Science sans conscience, pas de profits pour la vie… Si les animaux devaient nous parler, qu’auraient-ils à nous dire ? Lionel et sa troupe y répondent par l’absurde. Un rhinocéros danse avec un cochon, une panthère roule une pelle au lion… Que celui qui ne veut se poser de question pourtant ne s’approche pas de la scène, elle fait son cirque… Sous ses airs de comédie, la pièce offre au spectateur une trêve, un rêve de chien. Face à la cruauté de l’homme, l’animal fuit. A feu et à sang la vie n’a pas d’échappatoire, c’est l’abattoir. Les métaphores se filent. La réalité s’infiltre. Domination, surconsommation, religion du pognon… détention volontaire, réaction en chaîne. Cynisme et fatalisme dévoilent nos vices : apparence, décadence, violence… L’humanité en est-elle arrivée à un point de non-retour ? Pas de réponse mais le constat sombre ne fait pas vraiment débat. L’instinct de l’instant peut-il nous sauver ? L’auteur exhibe en cachette son idéal, chaque personnage en cultive une facette. Sans détour et plein d’amour, l’artiste présente son rôle. Il teinte l’intelligence d’esthétisme pour que la critique soit politique. La distraction a une intention :  interpeller la raison. Que le spectateur en soit sûr, cette pièce éveillera ses sensations.

Des animaux en fuite tentent d’échapper à leur univers circassien et trouvent refuge dans un hall abandonné… Ils entraînent dans leur aventure un chien, trait d’union entre les hommes et les bêtes. Ensemble, ils découvriront l’horreur des abattoirs et défieront la cruauté des humains….

La piste, où se joue d’ordinaire un jeu à l’élan onirique, deviendra leur dernier rempart à la folie humaine et servira alors de lieu de plaidoirie pour des victimes férues de justice ou tout simplement avides de comprendre ce qui a amené le monde à évoluer ainsi… La piste, métaphore d’une nouvelle Arche qui verrait survivre quelques individus de différentes espèces, présente le monde tel qu’il est et tel qu’il pourrait être. Vision prophétique d’un avenir meilleur ou messianisme utopique, la révolte animalière devenue jugement des animaux, met en scène le cri de désespoir de la condition animale face au Sang des Abattoirs, symbole de la cruauté des hommes.

Dans une époque incertaine où la diversité du vivant semble menacée, ce spectacle, allégorie d’une biodiversité entrée en résistance, met en scène les hérauts d’un monde en péril, victimes innocentes, devenues maintenant les juges de leurs propres bourreaux.
L’humour demeure bien présent dans une fable où, malgré tout, l’espoir reste de mise. Nulle fatalité, donc, dans ce récit à l’élan darwinien où l’homme ne paraît plus demeurer l’unique sommet du système…

La mise en perspective de l’animosité des uns, et de l’inhumanité des autres, entraîne le spectateur dans un univers décalé ou l’ironie défie sans cesse le désespoir, dans une méditation décalée sur le rapport de l’homme à son environnement, de l’homme à la nature !
L’idée de théâtre, la première idée, est très souvent celle de la troupe. Le théâtre qu’on aime est celui de la générosité, du nombre, de la jeunesse, de l’exploit, du rêve, du combat. Un théâtre qui raconte l’Humain et le Monde. C’est souvent pour cela que le théâtre nous attire, nous fascine. C’est aussi pour cela qu’il est l’endroit de tous les possibles, de l’extra-ordinaire. Il y a de cela dans «Le sang des abattoirs». C’est un texte militant, qui défend la cause animal certes, mais qui défend aussi l’idée même de troupe. La troupe c’est plusieurs comédiens généreux réunis sur scène pour jouer ensemble, emporter par la même envie de se dépasser, de nous faire rire, nous faire pleurer, nous raconter le monde et qui vivent ensemble leur idée du théâtre. C’est cet esprit de troupe qu’il faut retrouver pour mettre en scène ce texte.

            Mettre en scène un tel texte aujourd’hui c’est faire appel à l’essence même du théâtre, à ses artifices, à ses fantaisies, au culte de Dionysos et de ses Grandes Dionysies du théâtre antique, on pense aux cortèges des participants portant le plus souvent des masques d’animaux, il y a de l’Aristophane chez Lionel Courtot. Son théâtre est celui du verbe, un théâtre des Idées, si cher à Vitez, un théâtre à la fois exigeant et ludique, où le rire côtoie la douloureuse folie humaine.

Lionel Courtot aime raconter des histoires, parler de nos failles. La scène devient pour lui le lieu des règlements de comptes entre les hommes et leurs bêtises, celui des sentiments les plus exacerbés, celui de la dérisions, de l’ironie, du comique, et celui de l’intime. Dans «Le sang des abattoirs» l’histoire côtoie le plus souvent l’Histoire et ce texte porte en lui des siècles de manipulations, d’obscurantismes de toutes sortes, de tragédies, de folies et d’arrogances humaine. Mais, comme s’il ne pouvait se convaincre lui-même que l’Homme soit foncièrement inhumain, il y a toujours une lueur d’espoir, un renouveau possible, une chance à saisir avant qu’il ne soit trop tard, un appel à se réveiller des prisons de nos esprits. C’est en cela que l’acteur y trouve son compte. Un texte fort qui appelle un jeu fort et inventif.

Lionel Courtot est un auteur qui aime fondamentalement le théâtre. Il offre aux comédiens des archétypes profondément humains à interpréter, avec leurs faiblesses et leurs grandeurs, et aux metteurs en scène une aire de jeu idéale pour explorer leurs imaginaires. «Le sang des abattoirs» est une fresque  baroque militante avouée avec des personnages-animaux typés qui se rebellent contre leurs conditions de vie et la tyrannie des hommes. Une tragi-comédie décalée où l’on devine la filiation brechtienne et les références des faits marquants de nos siècles passés et présents. Un texte militant donc pour un théâtre militant. Du beau, du grand théâtre, du Théâtre en somme.

Éditions du Signe, 2011

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Préface pour « Le sang des abattoirs » création de Lionel Courtot.

Par Stéphanie Muzard Le Moing, lundi 4 avril 2011

C’est quand même chouette une société de liens…non ? Longue vie à ton œuvre, Lionel ! Merci, ta demande est un honneur, vive la CULTURE humaniste sans frontières !- Et mes liens fraternels avec Strasbourg—-résistance et tête de lard ! amitiés écologistes et artistiques, Stéphanie qui espère bien voir ta pièce en vrai !

« Le sang des abattoirs »
De Lionel Courtot
Texte écrit pour la sortie de sa pièce de théâtre en livre

Chienne de Vie !

Cette pièce de théâtre est la chambre froide de nos contradictions d’Homme, une sorte de fable de la fortune qui hurle à la mort : la richesse, la cupidité, l’avarice, l’indécence, la violence, la naïveté, le pouvoir, le cynisme, la folie, l’absurdité de l’exploitation consumériste,… y sont dépeints. Une belle vitrine de charcutiers ! Mais… attention ! Avec fraîcheur et humour ! Un peu crue, même ! Et quelquefois de la tendresse qui nous est chaire… Est-on cuits à point ? Du haut du trône, de l’estrade, nous assistons à notre propre spectacle mis en bouche-rit : le cirque et le cycle de notre propre « bêtise », la haute voltige et le clownesque de l’Homme qui est un loup pour l’animal prédateur qu’il reste. La dernière représentation de nos têtes de veaux ? Notre société hors-sol, productiviste, coupée de la Vie et de ses propres racines, est l’illusionnisme parfait d’une liberté grillagée, conditionnée sous cellule-fanes (de rat, dis !). Embarqués en barquettes, naviguant à couteux tirés et dans l’acceptation de l’industrialisation  de nos propres VIES, le spectateur peut ainsi reconnaître sa propre cage. Ces mots à maux sont alors les fleurs du mâle malin, plantes carnivores de la famille des courtotlionelacées, distillant  un venin à ces propres congénères dégénérés en manque de générosité et d’empathie. Un regard sur notre propre bout de gras qui tombe pile poil.

Qui de l’Homme ou de sa poule ?
Qui de la poule qui a du chien ?
Qui du chien criant au loup ?
Qui du loup ou de la Terre
Qui de la Terre ou de l’Homme ?
Qui de l’Homme ou de l’œuf ?
… et si l’Homme était un bœuf qui ne pensait pas à ses œufs ? (*)

Toutes griffes dehors, bec et ongles, Lionel Courtot vole dans les plumes de cet oiseau de malheur – ce coucou un peu culcul, un peu cocu, hybridé avec une autruche – qui finit par rentabiliser économiquement son propre suicide… L’Homme de la société dite « moderne » qui, sûr de son bon droit, manipule, tel un magicien, tour à tour les pigeons, les moutons, les blaireaux… avec un air vache pour de l’oseille… en prenant un air supérieur du Roi de la planète jungle. Cet être si supérieurement intelligent n’hésite pas à jouer le transformiste (**), et donc à sa propre disparition… une extinction acrobatique avec zygozootomatiques.

Le sang des abattoirs, c’est celui qui coule en chacun de nous. Dans une sorte d’usine à travers… de porc, l’homme cochonne sa propre niche – fiscale !- à défaut de construire une arche de Noë… Un chien-loup à dents longues. Parfois fidèle et tendre. Souvent con à se mordre la queue.

C’est la Shoah sans autre choix qui soldera ce mauvais rêve si nous ne nous réveillons pas et si nous restons comme des anchois rangés, aux abois… Merci Lionel de réchauffer l’espace scénique par de l’écho logique artistique !

Stéphanie Muzard Le Moing,
Muse-Loreleï, espèce en voie de développement durable !

(*) Ouf ! Je suis une femme vivipare !

(**) Transformisme : Le transformisme est une théorie biologique, rivale du fixisme, dont l’histoire remonte à l’époque où Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) énonça sa fameuse théorie sur l’évolution des espèces, qui visait à expliquer l’extinction des espèces. Elle désigne aujourd’hui indifféremment toute théorie impliquant une variation (ou transformation) des espèces au cours de l’histoire géologique.

 

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